Cest quoi ça comme nom Connan Mockasin, tes parents étaient fans de Conan le Barbare, et toi, tu es fan de mocassins ?
Connan Mockasin : Cest assez bizarre, ouais. Mais je te ferai remarquer que Conan et Connan ça ne sécrit pareil. Cest vrai quà lécole on se foutait pas mal de moi à cause de ça. Et puis, personne ne prononce mon nom correctement, ça ménerve un peu. Jai choisi « Mockasin » car quand jétais gamin, je fabriquais des mocassins.
Cétait comment de grandir à Te Awanga, un tout petit village de lIle du Nord de la Nouvelle-Zélande ?
Connan Mockasin : En effet, Te Awanga est vraiment un tout petit village et les gens y sont assez superstitieux. Un jour, avec un de mes amis on a voulu effrayer les voisins pour rigoler. Alors on a mis des costumes et on est allés dans leurs jardins en poussant des cris de fantômes. Peu à peu tout le village sest mis à en parler. Les gens ont commencé à raconter des histoires incroyables. Ils disaient que quatre fantômes étaient venus des montagnes, quils étaient des revenants dhabitants du village, quils leur avaient dit que tout avait brûlé il y a deux siècles et quils venaient pour maudire Te Awanga à jamais. Cest dingue lampleur qua pris cette blague de gamins. A lépoque jétais adolescent, et ça mamusait, donc on a continué. Puis au bout dun moment des gars du village et même le curé de léglise se sont mis à organiser des sortes de chasses aux fantômes, ce qui nous a vite calmés. (rires) Mais personne na jamais rien su, cest un secret.
Ah maintenant, ça ne lest plus. Comment tu tes retrouvé à faire de la musique alors que tu as grandi au milieu de nulle part?
Connan Mockasin : Mes parents avaient une bonne collection de CDs. Tous les genres de musiques. Je me rappelle que jadorais les albums des B-52s. Et puis quand jai eu 5-6 ans, mon grand-père ma offert un lecteur de cassettes. Jai commencé à men servir pour enregistrer des chansons. Cest surtout quand jai commencé à apprendre la guitare, vers 10 ans, que je me suis réellement intéressé à la musique. Puis quand jétais adolescent, jai monté plusieurs groupes dont Connan & The Mockasins. Cétait deux potes néo-zélandais avec qui je suis parti à Londres. Ça été assez dur au début. On est arrivés là-bas sans connaître personne et complètement fauchés. On sest retrouvés à faire la manche et à dormir dans des parcs. Puis le groupe sest séparé.
Comment as-tu rencontré Erol Alkan ?
Connan Mockasin : Jai rencontré Erol au moment où je suis parti en tournée avec Late Of Pier pour lalbum quErol avait produit, Fantasy Black Channel. On sest bien entendu et jaimais beaucoup tout ce quil produisait alors je lui ai dit « Erol, pourquoi est-ce quon ne produirait pas quelque chose tous les deux ? » et il a tout de suite été partant.
Pourquoi as-tu pensé que son nouveau label Phantasy était le meilleur choix pour ton premier album?
Connan Mockasin : Je ne fais pas confiance aux autres labels. Jai fait confiance à Erol car jadore ses goûts musicaux. Cest vraiment quelquun de bien, de passionné. Et puis il ma laissé beaucoup de liberté sur cet album. A lépoque javais pas mal de choses en cours alors je lui ai demandé sil pouvait me laisser un peu de temps et que je reviendrai vers lui avec un album. Et cest ce qui sest passé. Je me rappelle du jour où jai joué dans son salon, tout le label était là
Quest-ce que jétais nerveux.
Comment as-tu travaillé sur cet album ?
Connan Mockasin : Je suis reparti en Nouvelle-Zélande pour le faire. Je me suis installé dans une espèce de maison abandonnée à Wellington et jai bossé là. Jai enregistré toutes les chansons en une fois. Jai juste demandé laide de quelques batteurs mais sinon, jai tout enregistré seul.
Sur certaines chansons on croit entendre des voix denfants. Comment as-tu procédé pour enregistrer les voix sur cet album ?
Connan Mockasin : (rires) Cest intéressant que tu me demandes ça. Non, cest ma voix à part au tout début de lalbum où on entend un enregistrement de voix denfants japonais qui disent « hello Connan ». Mais cest vrai que jai pris une voix particulière pour ces chansons, assez aigue. Jessayerai peut-être quelque chose de différent sur le prochain album, je prendrai une voix très grave. Enfin peut-être.

Quel est linstrument que tu préfères ?
Connan Mockasin : Je nen ai pas vraiment. Jaime tous les instruments, enfin tous ceux que je peux jouer correctement. En ce moment jaime bien utiliser la basse. Mais en fait, ce nest pas le fait de jouer des instruments qui mintéresse le plus actuellement. Ce que je veux, cest faire de bons albums. Et je veux en faire plus.
Il y a quelque chose de très nostalgique, presque mélancolique dans cet album je trouve. Tu es quelquun de mélancolique ?
Connan Mockasin : Cest difficile pour moi de réaliser si cet album est triste ou non, car cest juste quelque chose que jai fait et sur le coup, je nai pas vraiment pensé à ce que ça signifiait. Mais cest vrai que jétais quelquun de très nostalgique, il y a quelques années. Quand jai commencé à devenir un adulte, je suis devenu soudainement mélancolique et très nostalgique. Je men suis rendu compte en écrivant. Je tiens un journal tous les jours depuis neuf ans maintenant. Mais maintenant je ne ressens plus cette nostalgie. En fait, je me dis même que je nai aucune envie de retourner en arrière.
Jai lu que tu faisais de la musique pour devenir connu au Japon, ça a marché ?
Connan Mockasin : (rires) Non, toujours pas. (rires) En fait le Japon est un pays vraiment mystérieux et fascinant pour moi. Je narrive pas vraiment à comprendre les Japonais, et je trouve ça très attirant.
Et la France, quest-ce que tu en penses ?
Connan Mockasin : Oh, jadore ! Jaime beaucoup la musique française. Serge Gainsbourg, évidemment, Air, Daft Punk. Jai toujours voulu jouer en France, et je suis heureux que les gens semblent bien maimer ici. Je trouve quen Angleterre, les gens aiment ce quon leur dit daimer. En particulier aujourdhui, car il ny a pas grand-chose dintéressant musicalement. Je trouve que les Français sont beaucoup plus sûrs de leurs goûts. Certains appellent ça de larrogance, mais ce nest pas du tout ça, cest juste quils savent ce quils aiment. Tandis que les Anglais
bon je vais marrêter là, je nai pas envie de passer pour un anglophobe ! (rires)
Lannée dernière, quand ton album est sorti il sappelait Please Turn Me Into That Snat. Cette année, tu as sorti quasiment ce même album mais sous un nom différent (Forever Dolphin Love). Pourquoi ?
Connan Mockasin : Je me suis rendu compte que je nétais pas vraiment satisfait du premier. Javais envie de changer le titre aussi. Et puis jai eu quelques problèmes avec la pochette où japparaissais le visage grimé en noir. Des gens ont cru que cétait raciste. Et puis Erol a eu lidée dy ajouter certaines chansons que javais jouées lors de concerts organisés dans mon appartement à Londres lannée dernière, j'ai trouvé que l'idée était bonne.
Forever Dolphin Love ? Tu veux nous avouer ton amour pour les dauphins ?
Connan Mockasin : (rires) Non, en fait au moment où jai écris la chanson jai trouvé que ça sonnait bien à loreille. (Il chante) « Forever Dolphin Love, ha-ha-ha-ha-ha ». Cest mon petit frère, Sydney, qui mavait montré dune chanson quun mec avait mis sur internet et qui parlait de son amour pour les dauphins, quil voulait leur faire lamour et des trucs comme ça
Très, très bizarre. Ça a du me marquer.
Tu peux me parler de quelques albums que tu aimes particulièrement ?
Connan Mockasin : Je nécoute pas tellement de musique. Jadore Histoire de Melody Nelson de Serge Gainsbourg, je trouve cet album incroyable. Sinon mon truc en ce moment, cest les bandes originales. Jaime beaucoup ce que fait Joe Hisaishi et la musique des films dAlejandro Jodorowsky, ça minspire beaucoup. Il y aussi cette BO que Jonny Greenwood a faite, Bodysong, qui est magnifique.
Ça fait quoi dêtre la nouvelle sensation musicale pour les gens qui fument des American Spirit, shabillent avec de grandes écharpes et portent une fine moustache En gros, les hipsters ?
(Connan se retourne vers son manager et part dans un fou rire. Celui-ci correspond exactement à la description, et il y a un paquet dAmerican Spirit posée sur la table.)
Connan Mockasin : Franchement, je ne sais pas vraiment quoi en penser. Je pense que je ne réalise pas ce genre de choses. Tu sais, ces quatre derniers jours par exemple, je suis surtout resté dans cette chambre. Cest difficile comme question, en fait. Je pense que je préfère être aimé des « hipsters » que des junkies. Mais au fond, ça mest égal. Ce quon appelle les « hipsters » sont pour moi des gens plutôt instables, qui nont pas vraiment confiance en eux. Mais ils semblent avoir de bons goûts en musique, alors tant mieux. Ce qui est sûr, cest que je nessaye pas de suivre une mode, ça ne mintéresse pas.
Quest-ce que tu fais quand tu ne fais pas de la musique ?
Connan Mockasin : Jaime beaucoup me détendre, juste rester au lit et rien faire. Voir des potes, traîner sur MySpace. Jai emménagé avec mon frère et sa copine, et cest plutôt cool. Jaime bien passer du temps avec eux et en même temps ça men laisse beaucoup pour moi.
Quelques mots sur tes futurs projets ?
Connan Mockasin : Je viens de collaborer avec Charlotte Gainsbourg. Cétait très cool, elle est quelquun de simple et cétait agréable de travailler avec elle. Et puis ça fait un bout de temps que je travaille sur un album avec Samuel Dust (de Late of Pier, ndlr), jespère quon finira le projet cette année.
Un dernier mot pour la fin ?
Connan Mockasin : Ça va ?
(Je réponds en français. Il me demande de répéter. Cest parti pour 10 minutes de cours de français.)
Laura Fakra // Photos : Richard Brimer // Merci Guido pour le montage photo.