Quand on se penche sur la vie d'Edwige Belmore on a le sentiment qu'elle a tout fait avant tout le monde, c'est donc prématurément qu'elle est retournée dans la lumière ce triste mardi 22 septembre 2015.
En 1976, à 19 ans, elle brûle son passé (on sait tout juste qu'elle a grandi dans un couvent) et se rase la tête ce qui lui vaudra son surnom de "Reine des punks" bien qu'elle soit plus proche de la new wave et des jeunes gens modernes qui traînaient aux Halles à Paris (dans sa bande il y avait le tout jeune Christian Louboutin). Elle se trouve un nouveau papa, Serge Kruger et une nouvelle maman, Fabrice Emaer, patron du club le Sept, son QG. Des pommettes hautes, un nez en trompette et des yeux en amandes lui donnent l'air mutin des éternels enfants. Une voix légèrement éraillée avec un accent énergique de titi parisien viennent compléter le portrait de cette Peter Pan sexy. Edwige est sublime, Helmut Newton la prend pour modèle tout comme les débutants Pierre et Gilles ou encore Jean-Baptiste Mondino. Loulou de la Falaise et Saint Laurent (qui lui dessine des smokings sur mesure) la prennent sous leur aile.
Lorsqu'Andy Warhol vient à Paris en 1977 c'est avec Edwige qu'on le fait poser en couverture du magazine branché Façade. Le roi du pop art avait besoin d'une reine alors ce sera la reine des punks. Il lui propose de venir à New York mais c'est un coup de foudre pour Patti Hansen, l'épouse de Keith Richards, qui lui fait quitter Paris pour les États-Unis. Androgyne et gender fluid comme on dit à présent, Edwige est résolument moderne, comme elle le confiait à Jalouse en 2009 : "Bi ou pas bi, il n'y avait pas d'étiquettes, t'es beau/t'es belle j'ai envie de toi". À New York elle retrouve naturellement le petit groupe de français exilés : Maripol Fauque (sa soeur de coeur) et son mari le photographe Edo Bertoglio qui seront son point d'ancrage mais aussi Lizzy Mercier Descloux et Michel Esteban. Patti ne quittera pas Keith Richards mais Edwige vivra désormais entre Paris et New York.
Edwige, Maripol & Bianca Jagger en mode selfie au Studio 54, 1978
Fabrice Emaer lui confie alors le rôle de Saint Pierre à l'entrée du nouveau paradis des nuits parisiennes qu'il vient d'ouvrir : Le Palace. Elle en devient la figure de proue. Elle fait les premiers défilés de Jean-Paul Gaultier et Thierry Mugler. Elle tourne avec Philippe Garrel (L'Enfant Secret) Philippe Gautier, Jean-Marie Perrier et Arielle Dombasle. Edwige est une star de l'underground mais dans la France giscardienne le crossover est impossible. Elle continue de se produire sur scène avec Claude Arto, leur groupe Mathématiques modernes sortira son premier (et unique) album en 1981Les Visiteurs du Soir, produit par Jacno. Le single Disco rough est nommé disque de la semaine par le NME mais n'affolera pas les charts en France où les radios libres n'existent pas encore. Edwige a toujours minimum 3 trains d'avance dans une France qui en a 15 de retard.
Elle part au Japon comme mannequin, y monte un autre groupe puis retourne à New York. Elle bosse un temps à la Danceteria (le club mythique où fut découverte Madonna) et comme au Palace avec Philippe Krootchey, Jenny Bel'Air ou encore Paquita Paquin, elle y bosse avec ses potes : Keith Haring (busboy), Sade (vestiaire), Debi Mazar (ascenseur), Martin Burgoyne... C'est là et à cette époque que la culture populaire et underground actuelle est née : le hip hop, le street art, la culture gay, latino, ska, reggae, la new wave, le post disco, la no wave, la synth pop anglaise et la Danceteria en est le point de convergence. Elle s'occupe ensuite d'autres clubs mythiques comme Area et le Palladium, elle y organise ses propres soirées "Lazy lounge" ou encore "Beat cocktail lounge". En parallèle, elle monte un autre groupe, Jungle Geisha, où en plus du chant elle joue du saxophone. Elle joue dans Eurydice in the avenues avec Vincent Gallo et interprète une vampire sexy dans Because the Dawn. Au milieu des années 80 elle s'occupe de l'entrée du Starck, club chic et branché de Philippe Starck à Dallas.
En 1987 elle rejoint un ashram en Inde pendant plusieurs années. Toujours en avance. À son retour au début des années 90, elle partage son enseignement à New York et organise des soirées (Beige) au Tunnel, au Life, et se produit au cabaret le Bard'o avec le légendaire Joey Arias. Elle enregistre des singles house avec Robert Aaron produits par Junior Vasquez. Au début des années 2000, la jeune génération de clubbers parisiens redécouvre celle qui est leur grande soeur à tous. Yvan Smagghe fait de Disco Rough un incontournable de ses sets au Pulp qui devient 20 ans plus tard un hit underground. Maripol sort ses premiers livres de polaroids, Edwige omniprésente dans ses pages intrigue par son physique. De son côté, elle ouvre un blog Disco rough. Agnès B. lance le projet "Des jeunes gens modernes", elle vend dans ses boutiques des t-shirts et des badges à l'effigie d'Edwige photographiée par Philippe Morillon, cheveux blonds en pétard, épingle à nourrice dans le lobe de l'oreille, perfecto en cuir, bouche ouverte, Edwige est désormais le visage de sa génération mais aussi celui de la nouvelle qui se reconnait dans sa modernité. Les Visiteurs du Soir est réédité et les morceaux n'ont pas pris une ride, ils collent parfaitement à l'époque. Yelle reprend A+B=C, un documentaire est tourné sur cette jeunesse française du Palace et des Halles. Edwige travaille au Standard Hotel à New York, elle enregistre toujours de la musique. Il y a deux ans, une nouvelle aventure, elle quitte Brooklyn pour Miami. Elle pose ses valises au Vagabond Motel où elle vit désormais, elle créé des oeuvres végétales dans les jardins de l'hôtel notamment des girafes, son totem.
L'histoire d'Edwige ne s'arrête pas ici, elle ne s'arrête pas avec son départ. "On se retrouvera dans la lumière" comme elle disait à chaque disparition d'un ami mais aujourd'hui cette lumière est plus intense que jamais maintenant qu'elle l'a rejoint car le charisme, la gentillesse, l'élégance et l'humour d'Edwige illuminent encore nos vies. L'incroyable émotion suscitée par l'annonce de sa disparition sur les réseaux sociaux est à l'image de la générosité d'âme et de coeur d'Edwige pour qui l'amour et l'amitié auront toujours été le moteur de sa vie, elle avait fait tatouer sur son corps les déclarations d'amour et d'amitié de sa famille de coeur. Anonymes et célébrités partagent depuis deux jours sur les réseaux sociaux leurs souvenirs avec Edwige : Marcus Leatherdale, photographe et élève/égérie de Robert Mapplethorpe déclare avoir déménagé à New York après avoir vu une photo d'Edwige prise par Edo Bertoglio. L'actrice Debi Mazar a dit s'être inspirée d'Edwige pour son personnage dans sa série à succès Younger. À Paris on voit des baby Edwige en club et dans la rue, conscients et fiers de son influence. Mais le plus bel héritage d'Edwige c'est cette vague d'amour qu'elle a su susciter et suscite aujourd'hui plus que jamais. La reine des punks et des clubbers est morte, LONG LIVE QUEEN EDWIGE.
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leila
22-08-2016 04:03
bien parle doe !
leila
22-08-2016 04:01
,
LOL
02-10-2015 01:47
Edwige n'a jamais revendiqué le titre et disait elle-même ne pas être proche du milieu punk parisien pourtant sa vie a été plus punk que celles des punks parisiens de l'époque. En même c'est tellement naze d'être punk surtout français regardez cette mamie raciste de Patrick Eudeline. Ca ne donne pas envie, ni à l'époque ni maintenant. Il faut voir Edwige se marrer en interviews quand on lui dit qu'elle est une icône : "-E-Conne ?" disait-elle. Ni le titre de reine des punks ni d'icône sont des choses qu'elle a revendiqué à la différence d'autres ringards imbus de leurs personnes qui ne servent à rien et qui sont encore bloqués en 77, l'année où par décence ils auraient dû mourir. Vieux punk ça n'existe pas c'est même un oxymore. Eudeline c'est l'équivalent des sosies de Johnny mais pour Ron Wood. Une version Vierzon du Rock n' roll.
lilbrooks
01-10-2015 12:20
Heu... La reine des punks? Son titre est justifié grâce à son crâne rasé ? Léger, léger... C'est vrai que j'avais du mal à l'imaginer au milieu d'un pogo une bière à la main.
@bunny
30-09-2015 09:56
si ta référence pour "vrais punks" c'est sid vicious, le débat est clos
bunny
30-09-2015 00:35
@Doe : tant mieux les "vrais punks" n'ont jamais servi à rien (e.g. Sid Vicious)
patrick eudeline
29-09-2015 10:53
c'est vrai, il aurait dû dire bobo et hipster, c'est tellement plus "moderne"
LOL
28-09-2015 16:10
@DOE Bourgeois et snob....c'est tellement ringard et daté comme expressions que je me demande si t'es pas Patrick Eudeline.
@DOE
28-09-2015 13:14
S'énerver comme cela pour des boys bands: franchement faut grandir mec.
@LOL
28-09-2015 10:13
L'emploi du mot "indigent" est très snob bourgeois. Comme on dit, il n'y a que la vérité qui blesse...
LOL
27-09-2015 00:03
DOE : gna gna gna caca prout.Moi moi moi je sais moi.
Je résume ton commentaire indigent.
Doe
25-09-2015 08:27
Reine des punks, c'est un gag ? Le palace était une boite snobe pour bourgeois en mal de frissons où ne rentrait pas le vulgus pecus.
Edwige a été suffisamment maline pour surfer sur les tendances du moment mais elle n'en a jamais retiré grand chose, et ceux qui l'ont consacré "reine des punks" n'ont jamais vu de vrais keupons de près.
M'enfin, cet hiver on verra apparaitre des TShirts à son effigie dans le marais. That' the way it goes.