18:00. Les bars derrière le 22 28 Nowy Swiat
Cest moche, ça caille et cest immense. Les rues sont vides. Il ne se passe rien. Même Nowy Swiat, la rue la plus luxueuse de la ville na rien à offrir à part quelques touristes russes qui paient deux piroshkis pour le prix dun plateau de fruits de mer à Bastille. Javance quand même, sans grand espoir. Jarrive au numéro 22, je rentre dans limpasse. Sortis de nulle part, une dizaine de bars, alignés les uns à côté des autres. Pas un touriste en vue. Grilles en fer, portes fermées et lumière rouge tamisée. On aurait dit des bars à putes si ce nétait des jeunes types bobos polonais fêtant tranquillement lapproche du week-end. Je fais comme les locaux. Jentrouvre, je regarde et je choisis. Je choisis le bar qui passe les Clash. Cool, en plus il a un sous -sol. Quelques shots de vodka plus tard, une jeune polonaise me teste sur Lech Walesa. Enfin mes cours de politique européenne mont servi.
21:00. Les bars de Dobra, derrière le 33 35 Dobra Ulica.
Varsovie prend des allures de Berlin. Je comprends la géographie. Et hop, taxi. Ici aussi, tout se passe dans une impasse. Lambiance est direct plus électro. Les clubs remplacent les bars, et les tables de mixage remplacent Should I Stay or Should I Go. Les quelques clubs sont répartis de manière archaïque autour dune place en terre. Cest street, on se croirait dans un complexe de squat. La bière se boit aux litres et lentrée se joue aux dés. Drum & bass dans un club, électro break dans lautre. Il est encore tôt, y a pas grand monde. Je demande à la barmaid des conseils sur le Varsovie alternatif. Go to Saturator in Praga.
23:00. Saturator
Praga, lancien quartier coupe-gorge de Varsovie. Le nouveau quartier bohème qui nous rappelle pourquoi lEst est si spécial. De vastes parcs, des vieux trams et un club alternatif, quasi introuvable, même avec ladresse et Google Maps. Je me sens à Zizkov ou à Friedrischain. Ça fait du bien. Encore dans une impasse, mais là, le club est en souterrain. Je fais le tour de limpasse en sonnant à toutes les portes. Finalement un videur mouvre, sorti de nulle part. A lintérieur, une centaine de personnes. Trois étages hauts de plafond, des verres qui coûtent que dalle et des nanas qui auraient toutes pu passer le casting Elite. Jadore les jeunes de lEst. Tellement différent de Paris. Lapproche est naturelle, facile. Le plaisir est recherché et pas esquivé. Et on est en club pour samuser. Je croise une jolie brune au bar qui vient me parler. Cette fois, on parle de pilules plutôt que de Lech Walesa. Alors il paraît que les taz tournent pas mal à Varsovie. Agnieszka me le prouve dune manière très sensuelle. Les DJ de Poznan déchirent. Le mini-club est rempli. On discute du clubbing à Varsovie et on se met daccord, faut passer voir Klubo. Elle my emmène en Fiat Polska.
01:00. Klub Kawiarna aka Klubo
Cest un peu le club select de Varsovie. Mais pas les boîtes ringardes des alentours. Non, Klubo est fréquenté par les jeunes branchés du coin. Le capitalisme investit la ville : les publicitaires, consultants, mannequins et banquiers de bon goût sont là. En fait, cest un peu comme le Baron ou le Paris Paris, avec la décadence de lEst en plus. Agnieszka retrouve des potes à elle, par hasard, à lentrée. On descend. Cest ultra blindé. Je peine à distinguer les beaux fauteuils du 19e siècle, les lustres et la moquette qui rappellent celle de lambassadeur. Putain cest beau. La zique, un peu commerciale, profite dun excellent soundsystem et bon, comment se plaindre quand un groupe de nanas se met à danser sur le comptoir. Les pilules font effet. Aux chiottes, je vois deux jeunes filles se dandiner. Lenvie est trop forte. Je demande «can I kiss you ?». Et lune dentre elles membrasse. Puis elle me montre son téton et se faufile ensuite dans la salle. La mentalité est différente ici ! Ça fait presque vingt ans que la révolution a eu lieu, mais dans leur tête elle vient de se finir. Agnieszka mattrape par le bras. «Im going to M25.» Jhésite. Jy vais.
03:00. M25
Le nom, cest pour ladresse, officiellement Minska 25, mais en réalité pas du tout. Faut croire quils ne veulent pas que le premier touriste venu trouve ce quil reste des raves en Pologne. A deux cents mètres environ de Minska 25, un énorme entrepôt sur deux étages. On y verrait bien une soirée transe. Mais quelque chose ne va pas. Lentrée est trop organisée. Faut payer cher, et on reçoit un bracelet. A côté, je vois des Français, type expat sogé, la chemise rentrée dans le fute et lodeur du minet. Bon, OK, je discute avec eux. Il paraît que cest une soirée spéciale ce soir, normalement cest beaucoup plus alternatif mais cest sa première fois me raconte-t-il. Ça maurait étonné. Agnieszka aussi est étonnée. Cest la soirée dune marque de skate à la Quicksilver. Ça me rappelle trop Paris. Dommage, lendroit est sublime. Il faut partir, je ne peux pas finir sur cette déception. Je quitte Agnieszka.
05:00. Luztro
Toute ville digne de ce nom a un club dafter qui illustre, au même titre que le marché ou la place centrale, une facette de la ville. A Varsovie, cest laffreux palais de la culture et la science (le cadeau de Staline à la ville), le marché aux puces du dimanche et Luztro. De lextérieur tu sais à quoi tattendre. Une porte fermée. Une petite sonnette. Un son qui te dit dentrer. Les freaks Polonais, les défoncés, les couleurs fluo ! On est loin de klubo et de son glamour. Les gars baisent sur les canaps du dessus, y a autant de C aux chiottes que de vigiles au Rex et les décibels dépassent largement la limite autorisée. Et la soirée vient de commencer. Les montées minimales sont excellentes. Je vagabonde. Deux dancefloors, un étage qui regroupe des canaps, je redescends. Cest grand, cest petit. Luztro cest un club quon rêverait davoir dans sa ville. Un lieu de non- droit. Je mexcite, seul, sur scène. Des bouts de papiers tombent du plafond. Cest trop. Il faut rentrer, avec un détour par un des kébabs omniprésents du centre.
07:00. Intercontinental hôtel
Je gère ma descente dans mon hôtel de luxe. Je sirote un gin tonic dans la piscine du 33e étage. La vue est splendide mais que la ville est moche : une ville moche, belle, alternative, inappréciée ! En une nuit, la ville offre une diversité de clubbing trouvée presque nulle part ailleurs. Surtout pas à Rome ou Venise. Luztro je taurai. Varsovie, jy reviendrai.
Par Jeremie Feinblatt.