Cétait à prévoir, le salon Venus (20-24 oct.) était im-pec-ca-ble-ment organisé, judicieusement divisé en trois parties : le porno, le fétichisme et le marché des professionnels de lindustrie. Chez les professionnels, bien sûr ça parle business, ambiance vendez-achetez. Les Français de chez Dorcel sont dans la place et ça va ils ont la confiance, installés confortablement dans leur luxueux stand noir et rose. A ce stade, ils ne considèrent pas avoir de concurrence sérieuse en Europe, et comme il faut quand même soccuper, ils se concentrent sur un objectif aussi rigolo que puéril : devenir les maîtres du monde du cul. Pour ce faire, ils nont pas lésiné sur les moyens et se sont radinés sur le salon avec deux arguments de poids : leur armée dactrices aka les Dorcel Girls, bonnes, sympas et fraîchement majeures, et leur démo de porno 3D. Résultat : tout le monde veut essayer la démo, voir la fille tendre sa petite culotte à deux centimètres de nos visages et repartir avec un autographe en prime.
Dans la plus grande partie du salon, dédiée au porno traditionnel dirons-nous, il y a des stands de sex toys, des artistes qui exposent leurs uvres (essentiellement des moulages de bites de différentes tailles), des shows, etc. Certains shows se font dailleurs avec la participation du public, et cest ainsi quune jeune fille, tout ce quil y a de bien, sest retrouvée en sous-vêtements assise sur un canapé mains et pieds attachés, à subir les assauts olé olé de Tori Black et dune collègue à elle, toutes deux engoncées dans leur costume de latex transparent et précédemment généreusement huilées par deux jeunes hommes choisis au hasard dans lassistance, ravis. A noter que ces garçons ont très bien fait leur travail et se sont même particulièrement bien appliqués sur les fesses, les seins et la yatte.

Chez les fétichistes, c'est bonne ambiance hardcore entre adultes consentants. Sur la scène centrale se tient une intéressante démonstration de bondage réalisée par un couple de (vrais ou faux on ne sait pas) militaires. Il semblerait que la fille ait été désobéissante, moyennant quoi elle se fait avoiner devant tout le monde puis déshabiller et attacher dans tous les sens, à lendroit comme à lenvers. Ça rendait très bien, malgré la musique daccompagnement un chouya trop forte. Le bondage est une pratique extrêmement technique, et lhomme chauve tatoué sur le visage, dont on se dit finalement quil ne devait pas réellement être militaire de carrière, a assuré le show de manière très compétente.
Les stands fetish sont regroupés par thème. Classique : le coin des SM. Lambiance y est un peu triste ; voir toutes ces filles sur les écrans crier et pleurer nincite pas franchement à la fête et puis comme ça, hors contexte, cest toujours difficile de trouver quelque chose excitant. Tout de même, petit détail rigolo : un homme qui tient un stand porte un pantalon en cuir avec plusieurs fouets (un assortiment, vraiment) accrochés à la ceinture, et en haut une veste en polaire. Cet homme doit être un peu frileux et il ne souhaite probablement pas sacrifier son confort à la pratique du SM. Quand y a de la gène, y a pas de plaisir, comme qui dirait. Un peu plus loin, des hommes déguisés de manière très réaliste en chevaux faisaient les intéressants et fanfaronnaient sous lil jaloux dun esclave qui, lui, navait pas très bien réussi son costume.
Partout en tout cas on joue la carte de la décontraction. Comme le souligne à raison un des types de chez Dorcel, les professionnels passent leurs journées à parler de cul et à en voir, alors pour eux bien sûr ça nest plus tellement excitant. Pour ce qui est du public, dans la mesure où personne ne semble se débattre avec un quelconque sentiment de culpabilité, lambiance est bon enfant. On vient au salon entre amis ou en couple. Des vieux, des jeunes, des beaufs, des hipsters : one big happy family, réunie autour dune passion commune, ça fait plaisir à voir.

Juste après le salon Venus, on ne se repose pas il ne faudrait pas gâcher une érection en cours , on embraye directement sur le PornFilmFestival (28-31 oct.) qui en est à sa cinquième édition. Une fois de plus, les programmateurs se sont appliqués. Fictions, documentaires, films courts, animation, queer, hétérosexuel, transgenre, tout le monde a sa part du gâteau avec en plus la promesse de lexigence artistique. Résultat des courses : le PornFilmFestival devient lendroit où il faut être vu, tout le monde en parle, linfo est récupérée par les médias arty et les cercles mondains berlinois. On va voir les films comme on irait voir le dernier Desplechin et on parle double-pénétration tranquille en grignotant un bretzel.
Au PornFilmFestival, lambiance est au militantisme. Conférences, tables rondes et autres workshop permettent de débattre de lavenir du film X, du contenu aux canaux de distributions, du rôle de lInternet. On ne peut sempêcher de remarquer que chez les indies de tous bords, il y a souvent ce truc intellectuel, de réfléchir à tout, de vouloir changer le monde, parce que rien ne va comme il faut. "Certains distributeurs sont encore frileux à l'idée de commercialiser des films comportant du fisting", déplore la réalisatrice Courtney Trouble. Ça râle beaucoup quand même, ça alourdit un peu les choses un peu comme quand on explique une blague. Et ce phénomène, ça ne sapplique pas quau porno, allez dans nimporte quel festival de BD et de court-métrage vous verrez, cest la même histoire, ça proteste et ça dénonce alors quau fond le public sen fout et voudrait juste samuser. Alors mollo les altermondialistes du sexe.
Heureusement, il y a les fêtes. Les meilleures fêtes, en vrai. A Venus, les participants rentraient tous à lhôtel en fin de journée pour continuer à parler business, cétait pas très marrant. Pas la peine non plus de compter sur le groupe des naughty-seniors, trop fatigués pour rempiler all night long après le salon. Mais le PornFilmFestival, lui, promet monts et merveilles tous-les-soirs-pendant-quatre-jours. Si vous trouvez un autre endroit proposant un coin lounge fumeur et nudiste, écrivez à la rédaction qui transmettra.
Anaïs Dupuis // Photos: DR.